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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

sénat (l’an 48 de Jésus-Christ). Ce discours était gravé sur trois tables ; il n’en existe aujourd’hui que deux, qui furent découvertes en 1528, sur la montagne Saint-Sébastien.

Or, il faut savoir que Tacite, dans le onzième livre de ses Annales, donne ce discours de Claude. J’avais apporté le volume de Tacite avec moi. Le style de l’empereur Claude (car lui-même faisait ses discours ; à Rome tout prince savait écrire) manque de force. Tacite en a suivi tous les mouvements ; mais, comme on pouvait s’y attendre, il lui a donné de la vigueur et quelques teintes d’une sombre énergie.

Ainsi l’on peut penser que, du temps de Tacite et de Tite-Live, la mode était de chercher à donner les discours réels prononcés par les princes et les généraux ; seulement ces grands écrivains les ont embellis et corrigés.


— Lyon, le 31 mai.

J’ai soupé ce soir avec un dandy que j’ai rencontré ce matin, et qu’à Paris je n’appréciais pas assez. Je l’avais jugé sur l’ensemble de son existence, bien vulgaire il est vrai. Paul Brémont a un père en Hollande, je crois, lequel est énormément riche, et paye ses dettes de temps à autre. Ce père lui donne dix mille francs par an, et une tante, plus riche que son père, et qui adore ce neveu, l’a accoutumé à des cadeaux tournés en habitude, qui s’élèvent bien annuellement à vingt-cinq mille francs. Outre tout cela, Paul fait pour dix mille écus de dettes chaque année.

— Vous verrez Pétrone, m’a-t-il dit ce matin, en m’engageant à souper ; et nous aurons des femmes agréables, et que nous n’avons pas eu peu de peine à dénicher, je vous jure : les maris mêmes ne sont point trop ennuyeux.

— Et qu’est-ce que Pétrone ?

— Vous verrez ; c’est un ami que j’ai depuis quelques mois.

En effet j’ai vu Pétrone : c’est bien l’homme le plus commode du monde, c’est l’idéal du valet de chambre. Il se fait appeler le