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Page:Stendhal - Mémoires d’un Touriste, I, Lévy, 1854.djvu/360

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ŒUVRES DE STENDHAL.

de deux pieds de large séparées par de véritables bras de fauteuil, et, comme à l’Opéra de Londres, le spectateur ne sera point obligé de retirer les jambes quand son voisin rentre après les entr’actes. À chaque instant il sera loisible à l’heureux spectateur d’aller prendre l’air dans un immense foyer ; il sera sûr de ne pas déranger ses voisins en regagnant sa place. La moitié des loges seront de petits salons fermés par des rideaux, comme on le voit à Saint-Charles, à la Scala, et dans tous les théâtres d’un pays où la civilisation n’est pas sortie de la féodalité et ne demande pas tous ses plaisirs à une seule passion : la vanité.

Lorsque, au moyen de précautions si simples, on aura assuré le bien-être physique du spectateur, on lui offrira un acte de musique qui durera une heure, une pantomime mêlée de danses, dans le genre de celles de Viganô[1], une heure, et enfin un dernier acte de musique de cinq quarts d’heure.

Dans les grandes occasions, le spectacle finira par un ballet comique qui ne pourra durer plus de vingt minutes, et dont tous les airs seront pris dans les opéras célèbres. Ce sera pour le public une occasion d’entendre les délicieuses cantilènes de Cimarosa, Pergolèse, Paisiello, et autres grands maîtres que notre goût pour le tapage d’orchestre nous fait trouver froids. Du temps des grands peintres Coypel et Vanloo, on accusait Raphaël d’être froid.

Quatre ou cinq fois par an, à l’occasion de certains événements mémorables, on jouera la tragédie avec toute la pompe que l’on prodigue maintenant aux ballets. Et la tragédie sera suivie d’un ballet comique.

Dans ce théâtre modèle, on admettra les électeurs, les membres de l’Institut, les officiers de la garde nationale, enfin tous

  1. Milan, 1810 à 1816 ; Othello, la Vestale, Prométhée, le Chêne de Bénévent, etc., principaux chefs-d’œuvre de ce grand artiste inconnu à Paris, et par conséquent à l’Europe. La liberté de la presse et l’imprévu, non le talent de nos orateurs, font qu’à Vienne, Berlin, Munich, on ne peut rien imprimer d’aussi amusant que nos journaux.