Par bonheur pour le plaisir du voyageur né pour les arts, de quelque côté que sa vue s’étende, elle ne rencontre aucune trace d’habitation, aucune apparence de culture : le thym, la lavande sauvage, le genévrier, seules productions de ce désert, y exhalent leurs parfums solitaires sous un ciel d’une sérénité éblouissante. L’âme est laissée tout entière à elle-même, et l’attention est ramenée forcément à cet ouvrage du peuple-roi qu’on a sous les yeux. Ce monument doit agir, ce me semble, comme une musique sublime, c’est un événement pour quelques cœurs d’élite, les autres rêvent avec admiration à l’argent qu’il a dû coûter.
Comme la plupart des grands monuments des Romains, le pont du Gard est construit en pierres de taille posées à sec sans mortier ni ciment. Les parois de l’aqueduc sont enduites d’un ciment qui se conserve encore. Une fois j’eus le loisir de suivre cet aqueduc dans les montagnes ; il se divisait en trois branches, et le guide me fit suivre ses traces dans une longueur de près de trois lieues ; le conduit étant souterrain a été mieux conservé.
Le Gardon passe sous le pont du Gard ; et comme souvent il n’est pas guéable, les états de Languedoc firent bâtir, en 1747, un pont adossé à l’aqueduc. Au dix-septième siècle, on avait essayé de rendre praticable aux voitures le dessus de la seconde rangée d’arcades.
On arrive à l’aqueduc proprement dit, supporté par trois arcades, en gravissant l’escarpement qui borde la rive droite du Gardon.
— Orange, le 4 août.
Je ne me suis arrêté qu’une demi-journée pour voir Orange, je trouve toutes les rues couvertes de toile à cause de l’excessive chaleur. Ce climat m’enchante, il suffirait seul pour me rendre heureux pendant quinze jours peut-être. Je dirais presque comme Araminthe, il jette dans de douces langueurs.
Je voulais voir le théâtre et l’arc de triomphe. Le mur du théâtre s’aperçoit de très-loin, dominant toute la ville. L’arc de