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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

guérison d’un enfant, et, autant qu’il se peut, on amène cet enfant à sainte Anne. J’ai vu des regards de mère sublimes.

Je vais aborder la partie la plus difficile de l’étude des trois races d’hommes qui couvrent le sol de la France. Je répète que c’est là le seul remède que je connaisse à cette fatale maladie de la haine impuissante, qui nous travaille depuis que le meurtre du maréchal Brune nous a relancés dans la période de sang des révolutions.

Après la dernière moitié du dix-huitième siècle, on a parlé de trois moyens de connaître les hommes : la science de la physionomie, ou Lavater ; la forme et la grosseur du cerveau, sur lequel se modèlent les os du crâne, ou Gall ; et enfin la connaissance approfondie des races Gaël, Kimri et Ibère (que l’on rencontre en France).

Dieu me garde d’engager le lecteur à croire ce que je dis ; je le prie d’observer par lui-même si ce que je dis est vrai. L’homme sensé ne croit que ce qu’il voit, et encore faut-il bien regarder.

Napoléon avait le plus grand intérêt à deviner les hommes, il était obligé de donner des places importantes après n’avoir vu qu’une fois les individus, et il a dit qu’il n’avait jamais trouvé qu’erreur dans ce que semblent annoncer les apparences extérieures.

Il eut horreur de la figure de sir Hudson Lowe dès la première entrevue ; mais ce ne fut qu’un mouvement instinctif. Par malheur, il était fort sujet à ce genre de faiblesse, suite des impressions italiennes de la première enfance. Les cloches de Rueil ont coûté cher à la France.

Il me semble que si le lecteur veut se donner la peine de se rappeler les signalements de trois races d’hommes que l’on rencontre le plus souvent en France, il reconnaîtra, si jamais il va en Bretagne, que les Ibères ont remonté jusque vers Brest : sur cette côte, ils se trouvent avec les Kimris et les Gaëls. Les Kimris ressemblent souvent à des puritains ; ils sont ennemis du chant, et, s’ils dansent, c’est comme malgré eux et avec une gravité