Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/172

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fond des petits vallons ; aperçues d’une certaine hauteur, rien de plus laid. Le mont Valérien, vu du haut de la jolie colline de Montmorency, ne dit rien à l’âme. Quel dommage qu’une fée bienfaisante ne transporte pas ici quelqu’une de ces terribles montagnes des environs de Grenoble !

Si cette fée avait séparé par des bras de mer de quatre lieues de large la France de l’Espagne et de l’Allemagne, et la pauvre Italie de l’Allemagne, l’Europe serait de deux siècles plus rapprochée du bonheur que peut donner la civilisation ; ce qui n’empêche point les gens payés pour cela de nous parler sans cesse de la bonté des fées. Figurez-vous le Rhin, la Vistule, le Pô et l’Ebre, larges de dix lieues jusqu’à leurs sources ; comment la Russie pourrait-elle menacer la civilisation et montrer ses Cosaques au midi de l’Europe ?

Moi, qui l’année passée étais à Kœnigsberg, je sais qu’elle n’a pas vingt millions pour faire faire ce beau voyage à ses troupes, mais que de bourgeois se laissent effrayer par les articles terribles et bien payés que la Gazette d’Augsbourg traduit du russe !

Mais il faut revenir à ce triste monde tel qu’il ; est voici donc les montagnes de