Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/242

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réussir, ce qui n’est pas facile pour un étranger ; comme vous aurez à dévorer vos nombreux désappointements, et à ne pas vous fâcher contre les bruits absurdes qu’on fera courir sur votre compte, vous parviendrez à ne pas trop vous ennuyer. Vous pouvez choisir au midi Niort, Limoges, Brives, Le Puy, Tulle, Aurillac, Auch, Montauban ; ou bien au nord Amiens, Saint-Quentin, Arras, Rennes, Langres, Nancy, Metz, Verdun.

La grande difficulté, c’est de trouver un prétexte plausible au séjour. Beaucoup d’Anglais s’étaient fixés à Avranches par amour pour la pêche.

J’ai honte de ma timidité, j’oserai conter une des histoires du pauvre René. Il y avait à M…, vers 1827, un apothicaire qui fit des spéculations heureuses sur les drogues, devint riche en six mois, et se montra plus fat qu’il n’est permis de l’être, même dans le Midi. Il ne marchait plus dans la rue qu’en se donnant toutes les grâces d’un tambour-major. Une belle nuit, six de ses amis (les amis d’un homme sont toujours les plus indignés de sa fortune ; voyez les gens qui lisent le journal après une promotion), six amis donc pénètrent, à deux heures du matin, dans la boutique de l’apothicaire ; de là, ils montent à sa chambre, l’éveillent, l’attachent, le bâil-