Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/295

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été envoyés de Rome par M. le cardinal Fesch, toujours archevêque de Lyon et toujours excessivement pieux, comme il l’était avant 1815 à la cour de son neveu. Mais il était digne de lui appartenir par son caractère ferme et inébranlable. Son Éminence, qui ne se trouvait pas d’argent comptant lorsqu’elle apprit la misère des ouvriers de Lyon, a fait le sacrifice d’une partie des tableaux de sa collection. Elle désire qu’ils soient vendus, et la valeur distribuée aux ouvriers sans travail. Mais qui diable achètera des tableaux italiens à Lyon ?



— Lyon, le 4 juin.

Une chose m’attriste toujours dans les rues de Lyon, c’est la vue de ces malheureux ouvriers en soie ; ils se marient en comptant sur des salaires qui tous les cinq ou six ans manquent tout à coup. Alors ils chantent dans les rues ; c’est une manière honnête de demander l’aumône. Ce genre de pauvres dont j’ai pitié me gâte absolument la tombée de la nuit, le moment le plus poétique de la journée ; c’est l’heure à laquelle leur nombre redouble dans les rues. En 1828 et 29, je vis les ouvriers de Lyon aussi bien vêtus que nous, ils ne travaillaient que trois jours par semaine,