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AVIGNON

assassins. Mais qui les payait ? L’histoire le dira. Un commis voyageur trouva le corps du maréchal arrêté dans des roseaux, sur le Rhône, vers Arles.

J’ai vu le maréchal Brune exilé par l’Empereur, à Méry (en Champagne) : il avait six pieds de haut et des traits fort imposants. Tous les dimanches, il prenait son grand uniforme pour aller à la messe. (Il avait débuté par être républicain et imprimeur.)

En 1797, dans la fameuse campagne d’Italie du général Bonaparte, il montra une bravoure héroïque ; il commandait alors une des brigades de la division Masséna. Trois ans plus tard, en 1800, sur le même terrain, il prouva à la bataille du Mincio qu’il manquait de toutes les qualités qui font le général en chef. Quant à sa mort, il est incroyable qu’il soit venu chercher Avignon : il était si simple de passer par Gap et Grenoble, où jamais l’on n’assassina personne.

Afin d’oublier toutes ces noires idées, je me suis fait conduire au musée. Les tableaux sont placés d’une manière charmante, dans de grandes salles qui donnent sur un jardin solitaire, lequel a de grands arbres. Il règne en ce lieu une tranquillité profonde qui m’a rappelé les belles églises d’Italie : l’âme, déjà à demi