Aller au contenu

Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/458

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
419
LOCHES

fertile à mesure que l’on s’avance vers Loches ; les bords de l’Indre se couvrent de petits noyers mesquins de quinze pieds de haut. La grande route ne s’éloigne jamais beaucoup de ce ruisseau, dont les eaux font croître dans les prairies voisines des saules et quelques peupliers.

J’aperçois tout à coup, au-delà d’un coteau à gauche, deux tours élevées réunies par un mur, et le tout est coupé net horizontalement, comme par un coup de sabre ; c’est la tour de Loches. Là, périt, après douze ans de captivité infligée par Louis XII, cet homme si distingué, Louis le Maure, duc de Milan, l’ami et le protecteur de Léonard de Vinci. Il avait trouvé le secret de rassembler à sa petite cour la plupart des hommes remarquables de son temps, et il avait avec eux ce qu’il appelait des duels d’esprit : on discutait librement et à toute outrance sur toutes sortes de sujets. Quelle cour peut en dire autant aujourd’hui ? Je me souviens encore de son aimable physionomie, et de sa statue en marbre que j’ai vue à la Chartreuse, près de Pavie. Il est vrai que c’était un coquin ; mais c’était à peu près le malheur de tous les souverains de son siècle ; il fit empoisonner son neveu pour lui succéder, mais il ne fit pas brûler vifs deux mille de ses sujets, comme notre