Aller au contenu

Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
432
MÉMOIRES D’UN TOURISTE

de cette noble duperie, de ce feu sacré dont plusieurs genres de littérature peuvent se passer, mais qui est indispensable dans les beaux-arts. La Peste de Jaffa n’est le meilleur tableau de ces derniers temps que parce que le peintre était enthousiaste des actions comme celle que représente son tableau. En 1796, il était à Milan, quartier général de l’armée d’Italie, et passait pour le plus fou des Français ; ses amours pour madame P…, sa mort ont bien prouvé que ce n’était point un homme d’Académie.

La France de 1837 n’a pour elle qu’une supériorité, immense à la vérité, elle est la Reine de la pensée au milieu de cette pauvre Europe encore censurée.

L’Italie elle-même n’est qu’une de ses sujettes. Dès qu’un imprimeur de Bruxelles apprend de Paris qu’un ouvrage a du succès dans les cabinets de lecture, il l’imprime, et, en dépit de toutes les polices, cet ouvrage est lu avec avidité à Pétersbourg comme à Naples. Demandez aux contrefacteurs belges la liste des ouvrages qui leur ont été le plus utiles, et vous verrez que la France est la reine de la pensée, précisément par les ouvrages que honnit l’Académie française. Quelle tragédie de ces messieurs a été jouée, depuis dix ans, à Londres et à Vienne ?