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Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/486

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LES CINQ PERCEPTEURS

— Eh ! grand Dieu ! qui a pu vous porter à une telle démarche ?

— Chacun de ces nouveaux percepteurs me procurera au moins cinq voix, et, ce qui vaut mieux encore, c’est que ce sont vingt-cinq voix que j’enlève à mon rival, M. Dufrêne.

Le préfet, se laissant tomber sur un fauteuil avec tous les signes du découragement :

— Et l’on veut que j’administre ! Prenez donc la préfecture, mon cher ami. On m’ordonne de marcher, et on me coupe les jambes. Comment voulez-vous que je dirige les volontés, que j’administre ?

Savez-vous que M. Dorais, homme d’esprit, qui était préfet ici avant 1830, n’a travaillé pendant cinq ans que dans un seul but : les élections. Il avait un homme à lui dans chaque canton, qu’il comblait ; aussi ses élections furent-elles parfaites.

Voici le résumé de cinquante faits trop caractéristiques pour que je puisse les raconter, ce serait nommer les masques, et faire du scandale, ce qui me semble grossier.

Si j’avais l’honneur d’être gouvernement, je regarderais comme la plus grande de toutes les sottises d’avoir un journal à moi. Le Français, étant encore à mille lieues du génie gouvernemental, ne com-