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LA LOIRE

moments de danger. C’est peut-être à cause du reste de pesanteur allemande qui les garantit de ce désordre que les Anglais nous battent presque toujours sur terre. À Fontenoy, qui est peut-être la seule bataille gagnée par nous, l’armée française était commandée par un Allemand (le maréchal de Saxe), qui méprisait parfaitement tous les généraux qui l’entouraient, et ne les écoutait pas.

Une fois en mouvement, il ne nous est resté de notre accident qu’un accès de bavardage insupportable, qui a bien duré jusque vers l’embouchure de l’Indre. Dans leurs commentaires, les femmes avaient complètement altéré la vérité ; mais les dames des premières ayant eu beaucoup plus de peur encore que les paysannes, leurs récits étaient bien plus romanesques.

Le lecteur me croira-t-il si je jure que ce n’est point par égotisme que j’ai raconté ce petit malheur avec tant de paroles ? Mon but secret serait d’engager ce lecteur malévole, qui me blâme injustement et qui voyage, à ne pas prendre au tragique les accidents de passe-port, de quarantaine et de versades qui viennent souvent contrarier les plus jolies courses. On gagne à s’étudier soi-même : on arrive à éviter la mauvaise humeur en voyage, comme une folie, comme une cause d’éclipse pour les