Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/509

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
470
MÉMOIRES D’UN TOURISTE

le meilleur état possible, et demain matin Votre Altesse pourra en passer la revue dans l’orangerie, si elle daigne aller jusque-là.

— Mais l’autre malheur ? s’écriait la princesse avec impatience.

— Hélas c’est mademoiselle Mélanie, qui, dans son profond respect pour Votre Altesse, n’a jamais osé lui déclarer qu’elle aimait mieux mourir que d’épouser l’apothicaire.

La princesse a rougi, et, malgré son indolence incroyable, elle s’est mise à se promener dans le salon pendant que le majordome achevait son plaidoyer.

— Vous êtes un sot et un impertinent, lui a-t-elle dit, d’avoir mêlé le conte relatif au meuble à ce que vous aviez à m’apprendre.

La princesse a sonné avec fureur.

— Qu’on appelle mademoiselle Mélanie et mon cocher.

En un instant ils ont été devant elle. La princesse dit au cocher, qui est cet homme avec une barbe de dix-huit pouces que tout Naples admire.

— Regardez mademoiselle Mélanie.

Le cocher, se prenant la barbe avec les deux mains, a déclaré qu’il n’osait pas.

— Regardez-la, a répété la princesse d’un ton à faire trembler ; dites-moi si elle vous plaît. Nouvelles protestations de respect de la part du cocher.