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Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/508

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UNE PRINCESSE

majordome, et il s’est fait annoncer chez la princesse. Mais une fois en présence de ces yeux scintillants et si beaux d’orgueil, il ne trouvait plus rien à dire. Il lui est venu à l’esprit une bouffonnerie, comme il arrive aux Napolitains lorsqu’ils sont embarrassés. Quand il a vu rire la princesse, il a entamé un récit bouffon ; tout à coup il s’est interrompu.

— Je ne sais pas en vérité comment je puis rire, s’est-il écrié, moi qui ai une nouvelle si désagréable à annoncer à Votre Altesse. Ce beau meuble que notre correspondant de Londres a fait exécuter avec tant de soins, et qu’il s’est fait payer d’avance quarante mille francs, eh bien ! il est noyé, abîmé, entièrement perdu ; le navire qui l’apportait a fait une voie d’eau, et l’on avait eu la gaucherie de placer les caisses de meubles à fond de cale.

Comme la princesse éclatait en gémissements,

— Observez ceci, madame, lui a-t-il dit : le ciel, qui connaît mon dévouement sans bornes pour Votre Altesse, m’a donné le pouvoir de faire un miracle, et de changer ce malheur-là contre un autre fort désagréable aussi, j’en conviens, mais qui ne vous coûte pas un sou. Votre beau meuble est arrivé hier soir, je viens de le faire déballer ; j’ai trouvé toutes choses dans