Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/63

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d’esprit, Dieu m’en garde ! mais je prétends avoir la liberté du langage. J’ai cherché une périphrase pendant vingt secondes et n’ai rien trouvé de clair. Si cette liberté rend le lecteur malévole, je l’engage à fermer le livre ; car, autant je suis réservé et plat à mon comptoir et dans les réunions avec mes collègues les hommes à argent, autant je prétends être naturel et simple en écrivant ce journal le soir. Si je mentais le moins du monde, le plaisir s’envolerait et je n’écrirais plus. Quel dommage !

Notre gaieté libertine et imprudente, notre esprit français, seront-ils écrasés et anéantis par la nécessité de faire la cour à de petits artisans grossiers et fanatiques, comme à Philadelphie ?

La démocratie obtiendra-t-elle ce triomphe sur le naturel ? Le peuple n’est supérieur à la bonne compagnie que lors des grands mouvements de l’âme, il est capable, lui, de passions généreuses. Trop souvent les gens bien élevés mettent la gloire de leur amour-propre à être un peu Robert-Macaire. Qu’est-il resté, disent-ils, aux grands personnages de la révolution qui n’ont pas su ramasser de l’argent ?

Si le gouvernement, au lieu de[1]

  1. Cette lacune existe dans la première édition.(Note de Colomb.)