Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/64

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des gens médiocres et usés, permettait à qui se sent du talent pour la parole de réunir dans une chapelle les gens qui s’ennuient et n’ont pas d’argent pour aller au spectacle, bientôt nous serions aussi fanatiques, aussi moroses qu’on l’est à New-York ; que dis-je ? vingt fois plus. Notre privilège est de tout pousser à l’excès. À Édimbourg, dans les belles conversations, les demoiselles ne parlent avec les jeunes gens que du mérite de tel ou tel prédicateur, et l’on cite des fragments de sermon. C’est pourquoi j’aime les jésuites que je haïssais tant sous Charles X. Le plus grand crime envers un peuple n’est-ce pas de lui ôter sa gaieté de tous les soirs ?

Je ne verrai point cet abrutissement de l’aimable France ; il ne triomphera guère que vers 1860. Mais quel dommage que la patrie de Marot, de Montaigne et de Rabelais, perde cet esprit naturel piquant, libertin, frondeur, imprévu, ami de la bravoure et de l’imprudence ! Déjà il ne se voit plus dans la bonne compagnie, et à Paris il s’est réfugié parmi les gamins de la rue. Grand Dieu ! allons-nous devenir des Genevois ?

C’est à Essones que Napoléon fut trahi en 1814.

Avant d’arriver à Fontainebleau, il