Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/77

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fort curieuse ; elle remonte probablement au dixième siècle, qui, comme on sait, fut celui de la barbarie la plus profonde.

Je reviens à La Charité, mon essieu n’était point encore terminé. J’entre au café, et pour donner pâture à la curiosité des braves gens que j’y rencontre, je leur raconte que je vais à Lyon pour une faillite, et que j’ai été arrêté dans leur jolie ville par la rupture de mon essieu. Ils le savaient déjà, et que j’étais allé à La Marche. J’apprends qu’il n’y a aucune navigation entre La Charité et Orléans, et l’on me rit au nez, mais avec politesse, quand je parle de navigation avec Nantes.

Ce centre de la France est encore bien arriéré : il valait mieux, sans doute, il y a mille ans ; je veux dire, il n’était pas tellement inférieur au reste du pays. Au café, j’ai trouvé un homme important, fort curieux de deviner si je suis fonctionnaire public ou simple négociant. Je m’amuse à faire changer ses conjectures toutes les cinq minutes. Il me dit que jadis les Normands vinrent piller et brûler La Charité.

J’apprends que mon idée de ce matin sur la grande route de Briare à La Charité, si hérissée de montées et de descentes ridicules, est venue à M. Mossé, homme d’esprit et de courage, ingénieur en chef