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LA COMÉDIE

ques couples de parleurs du café de Foy, leur donne l’air de deux ennemis, rapprochés par force, pour discuter leurs intérêts.

Dans la bonne compagnie, ce n’est pas du fond de l’histoire, mais de la manière de la conter, que celui qui parle attend une bonne récolte de jouissances de vanité. Aussi choisit-on l’histoire aussi indifférente que possible à qui parle.

Volney raconte[1] que les Français, cultivateurs aux États-Unis, sont fort peu satisfaits de leur position isolée et disent sans cesse : « C’est un pays perdu, on ne sait avec qui faire la conversation », au contraire des colons d’origine allemande ou anglaise.

Je croirais que cette bienheureuse conversation, remède à l’ennui français, n’excite pas assez le sentiment pour soulager la mélancolie italienne.

C’est d’après les habitudes, filles de cette manière de chercher le bonheur, que M. Widemann, qu’on me cita à Milan

  1. Les voisins font des visites ou en rendent ; voisiner et causer sont pour des Français un besoin d’habitude si impérieux que sur toute la frontière de Louisiane et du Canada, l’on ne saurait citer un colon de cette nation, établi hors de la portée, et de la vue d’un autre. En plusieurs endroits ayant demandé à quelle distance était le colon le plus écarté : « Il est dans le désert, me répondait-on, avec les ours, à une lieue de toute habitation, sans avoir personne avec qui causer. »
    Volney : Tableau des États-Unis.