Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/172

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de la froide et imaginante Allemagne. Ce livre de 237 pages a suivant la coutume des nobles écrivains actuels une préface de 112 pages seulement qui prouve que le livre est sublime. J’y ai distingué un jugement sur la Nouvelle Héloïse qui reproduit exactement ce que j’ai entendu dire en vingt endroits d’Italie. L’auteur, le célèbre Foscolo, passe avec raison pour le premier littérateur de son pays. De plus on dit qu’il a éprouvé cette passion qu’il peint avec tant de chaleur et de naturel, car ce n’est pas sa faute si son naturel n’est pas celui des autres. Il s’habillait entièrement de noir chaque nuit pour n’être pas vu escaladant les murs d’un jardin. Il était reçu, disent les indiscrets, dans la chambre à coucher de sa maîtresse, il en était traité comme l’amant le plus favorisé et cependant tel fut l’empire de la vertu sur ces deux cœurs qu’elle passa vierge dans les bras de l’époux indifférent à qui il fut donné de profaner tant de charmes. Tout cela m’était raconté ce soir, à deux heures du matin, à la suite d’une discussion sur le Dante, sur l’amour, sur Saint-Preux, sur les lettres de la Religieuse portugaise par une jeune femme encore dans toute la fleur de la beauté et qui il y a trois ans s’empoisonna par amour. Quelles délices de parler de ces grands objets si profanés