Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/200

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Quoi donc, l’herbe sera malheureuse parce qu’un volcan a bouleversé toute la montagne et avec les autres la motte de terre où est rattachée sa petite existence ! Ne vaudrait-il pas mieux, mille fois, ignorer ces événements, comme ces jeunes italiens ? Qu’y a-t-il de réel pour chaque être, si ce n’est sa propre existence ? Et ce court passage de vingt à trente ans, qui est tout pour moi, je le sacrifierais dans les larmes et dans les soupirs, parce que certains événements ont eu lieu qui étaient amenés par l’éternelle chaîne de la destinée ?

Quoi de plus faible, quoi même de plus ridicule ? Mais, au nom de Dieu, n’allez pas vous y tromper, mon ami, je n’ai pas regret de mes honneurs passés, j’ai regret du malheur du genre humain. Une fausse philosophie fait que l’on se moque de l’ignorance italienne, et un peu plus d’expérience de la vie fait que l’on porte envie à cette heureuse ignorance.

L’histoire n’est pour eux que les dates de l’avènement et de la mort des papes et des rois ; ils n’ont pas eu le malheur de devenir amoureux du genre humain. Ils croient fermement que tout sera dans cent ans comme il y a cent ans, et cette heureuse erreur tue dans leurs âmes toute anxiété pour ces objets. L’histoire est pour eux comme la mythologie, une chose qu’il faut savoir pour