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Page:Stendhal - Promenades dans Rome, I, Lévy, 1853.djvu/38

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même impression. Ils sont construits d’après d’autres règles de beauté, auxquelles nous ne sommes point accoutumés. Les civilisations qui ont créé cette beauté ont disparu.

Ces grands temples élevés et creusés dans l’Inde ou en Égypte ne rappellent que Les souvenirs ignobles du despotisme ; ils n’étaient pas destinés à plaire à des âmes généreuses. Dix mille esclaves ou cent mille esclaves ont péri de fatigue, tandis qu’on les occupait à ces travaux étonnants.

À mesure que nous connaîtrons mieux l’histoire ancienne, que de rois ne trouverons-nous pas plus puissants qu’Agamemnon, que de guerriers aussi braves qu’Achille ! mais ces noms nouveaux seront pour nous sans émotions. On lit les curieux Mémoires de Bober, empereur d’Orient, vers 1340. Après y avoir songé un instant, on pense à autre chose.

Le Colysée est sublime pour nous, parce que c’est un vestige vivant de ces Romains dont l’histoire a occupé toute notre enfance. L’âme trouve des rapports entre la grandeur de leurs entreprises et celle de cet édifice. Quel lieu sur la terre vit une fois une aussi grande multitude et de telles pompes ? L’empereur du monde (et cet homme était Titus !) y était reçu par les cris de joie de cent mille spectateurs ; et maintenant quel silence !

Lorsque les empereurs essayèrent de lutter avec la nouvelle religion prêchée par saint Paul, qui annonçait aux esclaves et aux pauvres l’égalité devant Dieu, ils envoyèrent au Colysée beaucoup de chrétiens souffrir le martyre. Cet édifice fut donc en grande vénération dans le moyen âge ; c’est pour cela qu’il n’a pas été tout à fait détruit. Benoît XIV, voulant ôter tout prétexte aux grands seigneurs qui, depuis des siècles, y envoyaient prendre des pierres comme dans une carrière, fit ériger autour de l’arène quatorze petits oratoires, chacun desquels contient une fresque exprimant un trait de la Pas-