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L’âme tendre, généreuse, pleine de grâces, du jeune peintre, commence à se faire jour à travers le profond respect qu’il sent encore pour les préceptes de son maître. On voyait, avant la Révolution, chez M. le duc d’Orléans, un Christ portant sa croix et marchant au supplice, charmant petit tableau absolument du même caractère ; c’était comme un bas-relief. Raphaël eut toujours horreur des compositions chaudes, si chéries de Diderot et autres gens de lettres ; cette âme sublime avait senti que ce n’est qu’à son corps défendant que la peinture doit représenter les points extrêmes des passions.

Le Pinturicchio, peintre célèbre par les ouvrages qu’il avait faits à Rome avant la naissance de Raphaël, prit ce jeune homme avec lui pour l’aider dans les fresques de la sacristie de Sienne. Ce qui est incroyable, c’est qu’il n’en fut pas jaloux, et ne lui joua aucun mauvais tour. Bien des personnes pensent que la peinture n’avait rien produit jusqu’alors d’aussi agréable que les grandes fresques de cette sacristie ou bibliothèque. Raphaël ne fut pas seulement l’aide du Pinturicchio ; à peine âgé de vingt ans, il se chargea des esquisses et des cartons de la presque totalité de ces fresques charmantes, et qui semblent peintes d’hier, tant les teintes