Page:Stendhal - Promenades dans Rome, tome 1.djvu/123

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M. Melchior Gioja nous a fait passer une soirée charmante. Il nous parlait de la Calabre, de Naples, de la Grèce ; car la Calabre est aussi grecque que l’Épire. Les habitants ont le front grec, le mouvement des yeux, le nez grecs.

M. Perronti a été chef de bataillon dans les troupes françaises. Sa bravoure est prouvée par cent combats ; il a commencé sa carrière par être condamné à mort en 1800 ; il ne se vante de rien que d’être esprit fort. De ses batailles, pas un mot ; mais, outre qu’il sait par cœur le Compère Matthieu, la Jeanne de Voltaire, etc., dont il cite des fragments, il a toujours quelque nouvelle raison qu’il vous explique, pour prouver que, cinq minutes après la mort, on est tout juste aussi avancé que cinq minutes avant de naître. Le sort a voulu que cet esprit fort se soit trouvé dernièrement à Naples le jour d’une des fêtes de saint Janvier. Par malheur, lui et plusieurs de ses amis se laissèrent entraîner dans la cathédrale de Naples, au milieu de cette foule immense de gueux qui disent des injures à saint Janvier, et l’appellent faccia verde si son sang tarde à se liquéfier. À peine Perronti est-il près de la balustrade de fer qui sépare le public du miracle, qu’il pleure, il se précipite à genoux, et enfin se fait appliquer sur le front et sur