Page:Stendhal - Promenades dans Rome, tome 1.djvu/124

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la bouche le reliquaire qui contient le précieux sang de saint Janvier. La cérémonie finie, il se cache dans un confessionnal. Le lendemain, honteux et confus, il répondait à tous les quolibets : C’est plus fort que moi. Ainsi sont les Italiens esprits forts ; tous les souvenirs chéris de l’enfance, qui forment le caractère, sont liés aux cérémonies pompeuses de la religion catholique ; on ne voit plus heureusement de ces francs athées du quinzième siècle, comme l’Arétin,

Che disse mal d’ognun fuor che di Cristo,
Scusandosi col dir : non lo conosco
[1].

M. Gioja nous disait : Un des négociants

  1. L’Arétin fut à lui seul le Courrier français, le Figaro, etc., en un mot l’opposition tout entière du quinzième siècle. Il est singulier qu’il n’ait pas été assassiné vingt fois. Un siècle plus tard, lorsque l’influence de Charles-Quint eut tout avili en Italie, l’Arétin n’eût pas vécu six mois après avoir écrit. Il mourut en riant. On lui fit cette épitaphe, qui est un chef-d’œuvre de style ; la langue italienne, souvent obscure, est ici claire et limpide :

    Qui giace l’Aretin, poeta Tosco,
    Che disse mal d’ognun fuor che di Cristo
    Scusandosi col dir : non lo conosco.

    Pierre Arétin, né à Arezzo en 1491, mort en 1556, fut, comme on voit, le contemporain de tous les grands hommes de l’Italie. Les sots le calomnient, c’est le sort de l’opposition. Il a écrit des ouvrages fort indécents, mais moins dangereux, selon moi, que la Nouvelle Héloïse ou les sonnets de Pétrarque.