Page:Stendhal - Promenades dans Rome, tome 1.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ler dans les temps anciens. On arrive aux plus vives jouissances que la mémoire puisse procurer.

Cette rêverie, que je vante au lecteur, et qui peut-être lui semblera ridicule,

C’est le sombre plaisir d’un cœur mélancolique.

La Fontaine.

À vrai dire, voilà le seul grand plaisir que l’on trouve à Rome. Il est impossible pour la première jeunesse, si folle d’espérances. Si, plus heureux que les écoliers de la fin du dernier siècle, le lecteur n’a pas appris le latin péniblement durant sa première enfance, son âme sera peut-être moins préoccupée des Romains et de ce qu’ils ont fait sur la terre. Pour nous, qui avons traduit pendant des années des morceaux de Tite-Live et de Florus, leur souvenir précède toute expérience. Florus et Tite-Live nous ont raconté des batailles célèbres, et à huit ans quelle idée ne se fait-on pas d’une bataille ! C’est alors que l’imagination est fantastique, et les images qu’elle trace immenses. Aucune froide expérience ne vient en rogner les contours.

Depuis les imaginations de la première enfance, je n’ai trouvé de sensation analogue, par son immensité et sa ténacité,