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étrangers chaque semaine. Un Italien qui aime un tableau l’accroche en face de son lit pour le voir en s’éveillant, et son salon reste sans ornement. On veut ici des plaisirs réels, et le paraître n’est rien[1].

J’oubliais que ce soir j’ai été obligé de m’éloigner d’un groupe de jeunes femmes pour écouter un homme grave qui m’a fait toute l’histoire de Molinos, qui, avant d’aller en prison, fut sur le point d’être cardinal. L’histoire de Molinos est encore de mise à Rome ; c’est comme à Paris le ministère de M. de Serres. Vous savez sans doute que Molinos était un Espagnol qui proposait aux dames d’aimer Dieu comme un amant bon enfant. Ce système fut transporté en France par l’aimable madame Guyon, l’amie de Fénelon. Si Madeleine et Marthe, les amies de Jésus-Christ, eussent vécu du temps de Louis XIV, elles eussent été envoyées à la Bastille. Bayle a fait un excellent article sur mademoiselle Bourignon. Par les soins de Molinos, plusieurs dames romaines aimaient Dieu comme mademoiselle Bourignon. Cet amour est admirablement peint dans les lettres de sainte Thérèse ; on y trouve une sensibilité passionnée et pas

  1. Voir le Baron de Fœneste, curieux roman d’Agrippa d’Aubigné.