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ports, à Modène et ailleurs, nous avaient donné les préventions les plus injustes. Les voyageurs trouvent chez M. d’Appony des manières franches et fort polies ; on croirait parler à un jeune colonel hongrois. Depuis la lutte établie entre l’aristocratie de la naissance et celle de l’argent, je ne connais pas, en Europe, de salons préférables à ceux de Rome ; il est impossible que cent indifférents réunis se donnent réciproquement plus de plaisir ; n’est-ce pas la perfection de la société ?

En France, nous marchons à la liberté ; mais en vérité, par un chemin bien ennuyeux. Nos salons sont plus collet monté et plus sérieux que ceux d’Allemagne ou d’Italie. Je sais bien qu’on s’y présente pour avoir de l’avancement ou améliorer sa position dans son parti. Rien de pareil à Rome ; chacun cherche à s’amuser, mais à deux conditions : sans se brouiller avec sa cour et sans déplaire au pape. L’aimable comte Demidoff, qui s’est brouillé avec Léon XII, est allé s’établir à Florence.

J’ai eu le bonheur de recevoir cinq ou six invitations pour voir des tableaux précieux que l’on ne montre pas. Je me figure que ces chefs-d’œuvre ont été acquis d’une manière peu correcte, ou plutôt le propriétaire ne veut pas recevoir, dans sa chambre à coucher, vingt