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PRÉFACE

ridicule. Au lieu de dire les Prussiens, les Saxons, comme tout le monde, disons les Bructères et les Sicambres[1]. Tous les partisans des saines doctrines applaudiront à tant d’érudition. Moquons-nous en passant de la pauvreté si ridicule de ces bons écrivains allemands qui, dans un siècle où la notice se vend au poids de l’or, et où le rapport mène à tout, disposés à l’erreur par leur sincérité[2], se contentent, avec un goût que j’appellerai si mesquin, d’une vie frugale et retirée qui les éloigne à jamais de la pompe des cours et des brillantes fonctions qu’on y obtient, pour peu qu’on ait de savoir-faire et de souplesse. Ces pauvres gens allèguent le prétexte gothique et peu académique qu’ils veulent conserver le privilége de dire sur toutes choses ce qui leur semble la vérité. Ils ajoutent, ces pauvres Sicambres qui n’ont jamais rien été sous aucun régime, pas même censeurs ou chefs de bureau[3], cette maxime dangereuse, subversive de toute décence en littérature : Ridendo dicere verum Quid vetat ? Ce qui nous semble vrai, pourquoi ne pas le dire en riant ? Je vois, messieurs, à cette phrase

  1. Page 20 du Manifeste.
  2. Page 5 du Discours de M. Auger.
  3. Auger avait été précisément l’un et l’autre. N. D. L. É.