Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
RACINE ET SHAKSPEARE

de noms ennemis, ont publié des vérités, hélas ! trop claires aujourd’hui, sur le Romantisme en général, et en particulier sur la nature de l’illusion théâtrale. Ces vérités sont très-propres à éblouir les gens du monde, en ce qu’elles jettent un jour dangereux sur les impressions qu’ils vont chercher tous les jours au théâtre. Ces vérités funestes ne tendent à rien moins, messieurs, qu’à couvrir de ridicule notre célèbre unité de lieu, la pierre angulaire de tout le système classique. En les réfutant, je courrais le danger de les faire connaître ; j’ai pris le parti plus sage, selon moi, de les traiter comme non avenues ; je n’en ai pas dit le plus petit mot dans mon discours… » (Interruption, applaudissements universels.) « Grande mesure ! profonde politique ! » s’écrie-t-on de toutes parts. « Nous n’eussions pas mieux fait, » dit tout bas un jésuite. L’orateur continue : — « Ne donnons pas, messieurs, le droit de bourgeoisie aux funestes doctrines qui ont fait la gloire des Johnson[1], des Visconti, des auteurs de l’Edinburgh Rewiew et de cent autres : reprochons-leur en masse seulement, et sans les nommer, une obscurité

  1. Voir la célèbre préface aux Œuvres complètes de Shakspeare, imprimée en 1765 ; examen de cette question : en quoi consiste l’illusion théâtrale ?