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SECONDE PARTIE

Il s’agit bien de plaisanter ! diriez-vous avec indignation à l’homme qui voudrait vous faire rire[1]. Les journaux, témoins de ce qui s’est passé aux élections de 1824, s’écrient à l’envi : « Quel beau sujet de comédie que l’Éligible ![2] » Eh ! non, messieurs, il ne vaut rien : il y aura un rôle de préfet qui ne me fera point rire du tout, quelque esprit que vous y mettiez ; voyez le roman intitulé Monsieur le Préfet[3] ; quoi de plus vrai ! mais quoi de plus triste ! Walter Scott a évité la haine impuissante dans Waverley en peignant des feux qui ne sont plus que de la cendre.

Pourquoi tenter dans votre art, messieurs les poëtes comiques, précisément la seule chose qui soit impossible ? Seriez-vous comme ces faux braves des cafés de province, qui ne sont jamais si terribles que lorsqu’ils parlent bataille à table avec leurs amis, et que tout le monde les admire ?

Depuis que M. de Chateaubriand a défendu la religion comme jolie, d’autres hommes, avec plus de succès, ont défendu les rois comme utiles au bonheur des peuples, comme nécessaires dans notre état de civilisation : le Français ne passe pas sa vie au forum comme le Grec ou le

  1. Traduit de M. Hazlitt.
  2. Comédie de Sauvage et Mazère. N. D. L. É.
  3. Roman de La Motte-Langon. N. D. L. É.