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Page:Stendhal - Racine et Shakespeare.djvu/252

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DE LA LANGUE ITALIENNE

époque plus avancée de la civilisation. De toutes les villes que nous avons nommées comme ayant, au treizième siècle, des droits égaux à devenir la puissance dominante en Italie et à imposer leur langue à la Péninsule, Florence était la plus riche. Florence était la Londres du moyen-âge. Elle achetait avec des sommes énormes, comme l’Angleterre aujourd’hui, des armées qu’elle opposait aux autres puissances de l’Italie. Les Florentins avaient des comptoirs dans toutes les parties de l’Europe, à Paris[1], en Flandre, au fond de la Mer Noire.

Des relations si étendues, des richesses immenses, beaucoup d’amour pour la liberté, le pouvoir de tout dire et de tout écrire, des révolutions fréquentes donnèrent plus d’esprit aux habitants de Florence qu’à ceux des autres villes. Le pays qui avait le plus de liberté et de richesses (les deux conditions pour former la langue) eut les plus belles idées, c’est tout simple. Florence eut le bonheur de voir naître parmi ses concitoyens un Dante, un Pétrarque, un Boccace, pendant que nous Milanais, nous étions encore un peu barbares. Il n’en fallut pas davantage pour que la langue de Florence l’emportât. Si Milan ou Venise avait eu une constitution plus forte et donnant à chaque homme plus de liberté pour développer son propre caractère et chercher le bonheur à sa manière, nos ancêtres au lieu d’occuper forcément tous les moments de leurs journées à

  1. On sait que Boccace est né à Paris.