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DE LA LANGUE ITALIENNE

Une idée quelconque qui demande, en beau toscan garni de ses avveggnachè, de ses conciofosse chè et de ses imperrochè, cinquante mots pour être exprimés, mise dans l’italien qu’ont écrit généralement les bons écrivains du dix-huitième siècle, n’exige que trente mots. C’est tout simple, depuis le treizième siècle, la civilisation a marché, quoi qu’en disent MM. les pédants, le temps est devenu précieux. Il faut renfermer les ouvrages les plus importants en peu de volumes, il faut dans la conversation dire beaucoup en peu de mots. Voilà une de ces nécessités générales dérivant de la manière de chercher le bonheur des peuples modernes qu’aucun pouvoir, pas même celui de l’Académie de la Crusca, ne peut arrêter.

L’illustre auteur, entre deux partis divisés par le mépris le plus profond, de la part des philosophes, et par toute la rage de la vanité blessée, de la part des pédants, l’auteur, dis-je, vient proposer un mezzo-termine.

Le siècle des mezzo-termine est passé. Il n’y a pas de paix possible entre des jeunes gens qui ne veulent prendre pour règle de conduite que des vérités démontrées, et de vieux pédants qui, bouffis d’orgueil parce qu’ils ont eu la niaiserie de passer huit ou dix ans de leur vie à lire des milliers de volumes poudreux et bêtes, allèguent l’autorité.

On propose aux pédants rien moins que de les détrôner de la hauteur usurpée où les ont placés leurs fausses études. À des vieillards bouffis d’orgueil et hébétés par