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PRÉFACE

vérité, mais parce que son genre de tragédie ne peut plus exprimer la vivacité et la complexité de nos sentiments, ainsi que le rythme de notre vie mouvementée. D’autre part il proscrit les longues tirades à la scène, aimant à répéter : c’est du poème épique, ce n’est pas du théâtre. Il se plaît cependant à ajouter : « Un grand homme, dans quelque forme qu’il ait laissé une empreinte de son âme à la postérité, rend celle forme immortelle. » En réalité, ce n’est pas Racine dont la « gloire est impérissable » que Stendhal entend critiquer. Il sait trop bien que les pièces romantiques « ne tueront pas Phèdre » : il n’en veut qu’à ses pâles successeurs. Il combat l’imitation et aussi bien de Shakspeare que de Racine. De Shakspeare notamment « pour lequel sa passion ne croît pas, uniquement parce qu’elle ne peut plus croître », il conseille de ne prendre que « la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons ».

Quand, en se relisant, Stendhal comprit qu’il avait trop oublié Molière, il répara cet oubli au cours de chapitres nouveaux. Le titre de l’édition remaniée eût tout aussi bien pu devenir : Racine, Molière et Shakspeare. Soyons certains qu’il ne l’eût point pris et eût conservé son premier cri de guerre, plus bref, plus claquant : Racine et Shaks-