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DE QUELQUES OBJECTIONS

VIII. — Luther, par Werner.
(Pièce plus voisine des chefs-d’œuvre de Shakspeare que les tragédies de Schiller.)

Si je cherchais de vains ménagements, je ne conseillerais pas au lecteur de lire les quatre premiers actes de Luther[1] ; je ne lui dirais pas ouvertement et de manière à prêter aux plaisanteries des rimeurs classiques : C’est dans le chef-d’œuvre de Werner que vous trouverez une peinture fidèle de l’Allemagne au quinzième siècle, et de la grande révolution qui changea la face de l’Europe. Cette révolution disait aussi aux peuples : « Examinez avant de croire, et c’est justement parce qu’un homme est couvert de la pourpre qu’il faut vous méfier de lui. » On voit que cette révolution fut semblable dans ses moyens et dans ses phases à celle d’aujourd’hui. C’était déjà la lutte des rois contre les peuples.

Au lieu de vous fatiguer à chercher un spectacle si imposant pour nous dans de gros volumes, sujets à l’ennui, entrez au théâtre de Berlin, voyez Luther, tragédie romantique. En trois heures, vous connaîtrez non-seulement le quinzième siècle, mais le connaissant pour l’avoir vu agir, vous ne pourrez plus l’oublier, et c’est beaucoup

  1. Dans l’excellente traduction donnée par le respectable M. Michel Berr, faisant partie de la collection des Théâtres étrangers, publiée par le libraire Ladvocat, t. XVII.