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RACINE ET SHAKSPEARE

pour nous, qui sommes à peine à mi-chemin de la révolution du dix-neuvième siècle, de voir en trois heures tout le développement de la révolution, absolument semblable, du quinzième siècle. Appelez le principe libéral Luther, et la ressemblance est identique. Vous n’oublierez plus le grand spectacle donné par l’empereur Charles-Quint, jugeant Luther à la diète de Worms. Vous serez profondément ému ; il y a présentement quinze ans que je n’ai vu jouer Luther ; je me figure encore cette autre scène sublime par sa simplicité : Luther recevait son père et sa mère, qui, troublés dans leur vieillesse par le bien et le mal qu’on dit de leur fils, font à leur grand âge un long voyage de cent lieues pour revoir ce fils qui les avait quittés, vingt ans auparavant ; pauvre étudiant. Le mélange de naïveté du fils, se rappelant les châtiments trop sévères de son père, avec le grand homme lui racontant sa vie et les combats qu’il a à soutenir, forme, à mon avis, un spectacle sublime. Le doux Melanchton, le Fénelon de la réforme, est présent à ce simple entretien. Luther explique à son père, ouvrier mineur de la Saxe, ses nouvelles doctrines. Pour se faire comprendre, il se sert de comparaisons prises dans le travail des mines ; il cherche à être le plus simple possible c’est ainsi que le lecteur comprend le fond des choses pour lesquelles il va voir Luther persécuté. Au milieu de cet entretien, qui fait trembler la vieille mère par le récit des dangers que Luther