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LE RIRE

placet, qu’il arrache des mains d’un laquais auquel le conseiller d’État l’a remis sans le lire.

Si je ne me trompe, le spectateur sympathise avec la venue de rire fou que le petit cousin dissimule, par honnêteté, en s’entendant faire des compliments sur le contenu d’un placet qu’il sait bien avoir déchiré sans qu’on l’ait lu. J’ai dit à mes gens d’esprit qu’on n’avait ri que cette seule fois aux Deux Gendres ; ils m’ont répondu que c’était une fort bonne comédie, et qui avait un grand mérite de composition. Ainsi soit-il ! mais le rire n’est donc pas nécessaire pour faire une fort bonne comédie française.

Serait-ce, par hasard, qu’il faut simplement un peu d’action fort raisonnable, mêlée à une assez forte dose de satire, le tout coupé en dialogue, et traduit en vers alexandrins spirituels, faciles et élégants ? Les Deux Gendres, écrits en vile prose, auraient-ils pu réussir ?

Serait-ce que, comme notre tragédie n’est qu’une suite d’odes[1] entremêlées de narrations épiques[2], que nous aimons à

  1. Monologue du Paria, de Régulus, des Machabées.
  2. Récits d’Oreste dans Andromaque. Quel peuple n’a pas ses préjugés littéraires ? Voyez les Anglais ne proscrire que comme anti-aristocratique cette plate amplification de collège intitulée Caïn, Mystère par lord Byron.