Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/196

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des bals d’ambassadeurs, l’amour n’effleura jamais le cœur de la riche héritière. Les Français l’amusaient, mais ils ne la touchaient pas. — Sans doute, disait-elle à sa mère, qui les lui vantait souvent, ce sont les hommes les plus aimables que l’on puisse rencontrer. J’admire leur esprit brillant, chaque jour leur ironie si fine me surprend et m’amuse ; mais ne les trouvez-vous pas empruntés et ridicules dès qu’ils essaient de paraître émus ? Est-ce que jamais leur émotion s’ignore elle-même ? — À quoi bon ces critiques ? répondait la sage madame de Vanghel. Si la France te déplaît, retournons à Kœnigsberg ; mais n’oublie pas que tu as dix-neuf ans et que je puis te manquer ; songe à choisir un protecteur. Si je venais à mourir, ajoutait-elle en souriant et d’un air mélancolique, le grand-ducde C… te ferait épouser son aide de camp.

Par un beau jour d’été, madame de Vanghel et sa fille étaient allées à Compiègne pour voir une chasse du roi. Les ruines de Pierrefonds, que Mina aperçut tout à coup au milieu de la forêt, la frappèrent extrêmement. Encore esclave des préjugés allemands, tous les grands monuments qu’enferme Paris, cette nouvelle Babylone, lui semblaient avoir quelque chose de sec, d’ironique et de méchant.