Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

madame de Larçay par le comte de Ruppert ; Alfred l’avait montrée à sa femme, qui avait prétendu que cette lettre n’était qu’une mauvaise plaisanterie. À ce récit, Mina ne fut plus maîtresse de son inquiétude. M. de Ruppert pouvait jouer tous les rôles, excepté celui d’un homme trop patient. Elle lui proposa de venir passer huit jours à Chambéry ; il marqua peu d’empressement.

— Je fais des démarches assez ridicules ; j’écris une lettre qui peut faire anecdote contre moi ; au moins ne faut-il pas que j’aie l’air de me cacher.

— Et justement, il faut que vous vous cachiez, reprit Mina avec hauteur. Voulez-vous me venger, oui ou non ? Je ne veux pas que madame de Larçay me doive le bonheur d’être veuve.

— Vous aimeriez mieux, je parie, que son mari fût veuf !

— Et que vous importe ? repartit Mina.

Elle eut une scène fort vive avec M. de Ruppert, qui la quitta furieux ; mais il réfléchit apparemment sur le peu de probabilité qu’on inventât la calomnie qu’il redoutait. Sa vanité lui rappela que sa bravoure était connue. Il pouvait réparer par une seule démarche toutes les folies de sa jeunesse et conquérir en un moment