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PRÉFACE

vient de lire et dont il jauge avec clairvoyance les audaces permises. Il y mesure ce que lui-même pourra peindre dans son propre roman qui compte un prêtre au nombre de ses personnages principaux, et où il est tout particulièrement préoccupé de ne point tomber dans l’odieux. Il entend faire vrai cependant, en se tenant à égale distance de la grossièreté et de la fadeur. S’il veut prêter à l’abbé de Miossince, affilié de la Congrégation, de profondes visées politiques, il n’entend pourtant pas noircir trop sa figure. Le 5 juin, à Nantes, il en trace ce portrait qui n’a point sa place dans le roman, mais qu’il serait dommage de laisser perdre, tant il est rehaussé de fines et chatoyantes couleurs : « M. de Miossince n’était point un grand homme et n’en avait pas le tempérament, mais à force d’esprit, de soins, de combinaisons, en subjuguant, au bout de quelques jours, sa vanité qui pâlissait étrangement les premiers jours, il parvenaità faire de grandes choses, — il était fort éloquent et avait beaucoup de succès dans la chaire. Il est vrai que ce siècle qui s’ennuie n’est pas difficile en ce genre, blâmer un prédicateur est souverainement de mauvais goût. L’abbé de Miossince prêchait dans le genre de Fénelon, à force d’esprit il en contrefaisait la douceur, la suavité et même la candeur. »