Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, I, 1928, éd. Martineau.djvu/298

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avec sa femme, dont il proclamait l’innocence. Soumise à son autorité, elle n’avait fait qu’exécuter ses ordres, ainsi que ces derniers, qu’il avait entraînés au crime contre leur volonté. Ce singulier système de défense égayait beaucoup l’auditoire, et lorsque l’accusé avait provoqué le rire de l’assemblée, il lui arrivait souvent de se retourner vers les rieurs, en leur disant : « Vous riez maintenant, mais dans trois ou quatre jours vous ne rirez plus, quand vous verrez le pauvre Spatolino avec quatre balles dans la poitrine. » Dans une de ces circonstances où il haranguait les spectateurs, il remarqua un des gendarmesqui veillaient sur lui, et le reconnut pour avoir fait autrefois partie de sa troupe. Après l’avoir considéré longtemps de peur de quelque méprise : « Je n’aurais jamais cru, s’écria-t-il, que le gouvernement français recrutât ainsi sa gendarmerie ? — Que dites-vous là ? demanda le président. — Je reconnais ici un gendarme qui a servi avec moi pendant quinze ans ; nous avons assassiné de compagnie telle et telle personne,et pour vous en convaincre, interrogez tel témoin ; son domestique a été assassiné, et il reconnaîtra notre homme.» Le témoin que désignait Spatolino fut appelé ; on lui confronta le gendarme, et il le reconnut pour