Aller au contenu

Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
89
LE CHEVALIER DE SAINT-ISMIER

regardait ces deux hommes lorsqu’il fut aperçu par le premier, celui qu’il avait entendu appeler le comte. Aussitôt ce comte courut sur lui en jurant, l’épée à la main, et voulut lui en donner un grand coup au travers de la figure. Saint-Ismier, bien loin de s’attendre à cette attaque, méditait un compliment qu’il comptait adresser à ce jeune homme bien mis, pour lui demander où était l’hôtel de Miossens. Saint-Ismier, qui était fort gai, donnait déjà à son corps le balancement d’un homme qui a fait une connaissance trop intime avec les bons vins du pays. Il trouvait à la fois plus gai et plus sûr d’aborder ce gentilhomme comme s’il eût été à demi ivre. Pendant qu’il riait déjà des grâces qu’il cherchait à se donner, il fut sur le point de recevoir au travers de la figure le fort grand coup d’épée que le comte lui destinait ; il en sentit toute la lourdeur sur le bras droit, avec lequel il couvrit son visage.

Il fit un saut en arrière.

« Je suis battu », dit-il.

Il tira son épée, rouge de colère, et attaqua cet insolent.

« Ah ! tu en veux, s’écria le comte. C’est tout ce que je demandais. Tu en auras. »

Et il attaqua Saint-Ismier avec une ardeur et une audace incroyables.