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LE CHEVALIER DE SAINT-ISMIER

étaient armées. Il se mit à fuir de toutes ses forces. « J’ai tué un homme, se disait-il, me voilà plus que vengé d’un coup d’épée que j’ai reçu sur le bras. Et d’ailleurs, être pris ou être tué, pour moi c’est la même chose. Seulement si j’arrive à Rochegude, au lieu de périr en brave homme au coin d’une rue, j’éprouverai la vilenie d’avoir la tête coupée en place publique. »

Notre héros se mit donc à se sauver de toutes ses forces. Il repassa devant l’église, puis arriva à une rue fort large et, à ce qu’il lui parut, fort longue. Lorsque les gens qui le poursuivaient eurent fait deux ou trois cents pas dans cette rue, ils s’arrêtèrent. Il était temps pour le pauvre chevalier qui était tout essoufflé. Il s’arrêta aussi à une centaine de pas des gens qui le poursuivaient ; il se baissa beaucoup et se fit petit, se cachant derrière le poteau d’un garde-fou qui se trouvait dans la rue à huit ou dix pas des maisons. Les gens qui l’avaient poursuivi ayant fait un mouvement il se mit à fuir de plus belle, et fit bien ainsi cinq ou six cents pas le long de cette grande rue ; mais il entendit un bruit de pas mesurés, il s’arrêta sur-le-champ.

« Voilà que j’ai affaire au guet », se dit-il. Aussitôt, il se jeta en courant de toutes