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FÉDER

trouva avec mille francs de dettes et une petite fille au milieu de ce Paris qu’il ne connaissait point, et où, sur la figure de chaque réalité, il appliquait une chimère, fille de son imagination.

Jusque-là Féder n’avait été qu’un fat, au fond excessivement fier de la fortune de son père. Mais, par bonheur, la prétention d’être un jour un artiste célèbre l’avait porté à lire avec amour Malvasia, Condivi et les autres historiens des grands peintres d’Italie. Presque tous ont été des gens pauvres, fort peu intrigants, fort maltraités de la fortune ; et, sans y songer, Féder s’était accoutumé à regarder comme assez heureuse une vie remplie par des passions ardentes, et s’inquiétant peu des malheurs d’argent et de costume.

À la mort de sa femme, Féder occupait, au quatrième étage, un petit appartement meublé, chez M. Martineau, cordonnier de la rue Taitbout, lequel jouissait d’une honnête aisance, et, de plus, avait l’honneur de se voir caporal dans la garde nationale. La nature marâtre n’avait donné à M. Martineau que la taille peu militaire de quatre pieds dix pouces ; mais l’artiste en chaussures avait trouvé une compensation à ce désavantage piquant : il s’était fait des bottes avec des talons de deux pouces de hauteur à la Louis XIV, et