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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/142

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ROMANS ET NOUVELLES

il portait habituellement un magnifique bonnet à poil haut de deux pieds et demi. Ainsi harnaché, il avait eu le bonheur d’accrocher une balle au bras dans l’une des émeutes de Paris. Cette balle, objet continuel des méditations du Martineau, changea son caractère et en fit un homme aux nobles pensées.

Lorsque Féder perdit sa femme, il devait quatre mois de loyer à M. Martineau, c’est-à-dire trois cent vingt francs. Le cordonnier lui dit :

— Vous êtes malheureux, je ne veux point vous vexer, faites mon portrait en uniforme, avec mon bonnet d’ordonnance, et nous serons quittes.

Ce portrait, d’une ressemblance hideuse, fit l’admiration de toutes les boutiques environnantes. Le caporal le plaça tout près de la glace sans tain que la mode anglaise met sur le devant des boutiques. Toute la compagnie à laquelle appartenait Martineau vint admirer cette peinture, et quelques gardes nationaux eurent l’idée lumineuse de fonder un musée à la mairie de leur arrondissement. Ce musée serait composé des portraits de tous les gardes nationaux qui auraient l’honneur d’être tués ou blessés dans les combats. La compagnie possédant deux autres blessés, Féder fit leurs portraits, toujours