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FÉDER


sieurs, c’est qu’au couvent où j’ai été élevée, on ne nous a jamais expliqué trop clairement ce que c’étaient que Mandrin, Cartouche, Diderot et autres horribles scélérats ; je les croyais gens de même acabit.

Après cet effort courageux, madame Boissaux regarda Féder, qui, dans le moment, fut au désespoir de ce regard imprudent ; puis tomba dans une rêverie délicieuse. C’étaient les rêves de ce genre qui lui faisaient oublier pendant des jours entiers le chagrin de s’être trompé dix ans de suite sur sa véritable vocation.

La réponse naïve de Valentine ôta aux éclats de rire ce qu’ils avaient de trop vif et d’offensant ; un doux sourire les remplaça sur toutes les lèvres ; puis Delangle, qui avait été vivement choqué de ce malheur de famille, vint au secours de sa sœur, et, à l’aide de quelques anecdotes burlesques, excita la grosse gaieté de l’assemblée. Mais le dîneur qui venait d’acheter, à bon prix, toute une bibliothèque dorée sur tranche, se remit à parler littérature ; il vantait surtout un magnifique J.-J. Rousseau imprimé par Dalibon.

— Le caractère en est-il bien gros ? s’écria le député qui avait quatre millions ; j’ai tant lu dans ma vie, que les yeux commencent à me demander grâce ; si le