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FÉDER

— Eh bien, si je dois être moins aimable à vos yeux, ne me dites pas la vérité ; j’aime mieux dire dans le monde quelque sottise qui fera qu’on se moque de moi.

Féder eut bien de la peine à ne pas prendre sa main et à ne pas la couvrir de baisers ; il se hâta de parler pour se distraire d’une émotion si dangereuse.

— Toutes les fois que vous adressez la parole à des gens habitant Paris depuis longtemps, s’écria Féder d’un air pédantesque, je vois chez vos interlocuteurs vanité et continuelle attention aux autres ; tandis que, pour vous défendre, je ne vois chez vous que bonne foi et bienveillance, aussi sincère qu’elle est sans bornes. Vous vous présentez sans armes et la poitrine découverte à des gens prudents avant tout et qui ne descendent dans l’arène qu’après s’être bien assurés qu’ils sont couverts de fer et que leur vanité est invulnérable. Si vous n’étiez pas si jolie, et si, grâce à moi, M. Boissaux ne donnait pas des dîners irréprochables, on vous prêterait des ridicules.

Cette vie était délicieuse en apparence, et l’eût été en effet pour Féder, s’il n’eût eu pour Valentine qu’un simple goût de galanterie ; comme il essayait quelquefois de se le faire croire à lui-même ; mais il avait une crainte mortelle de Delangle,