et même, plus son cœur était attendri et
jouissait avec délices de cette vie si douce,
exempte de la moindre secousse et remplie
tout entière par les douceurs de l’amitié
la plus tendre, plus son saisissement était
profond quand il venait à songer qu’un
seul mot d’un être grossier et mettant
l’amour-propre de son esprit à tout dire
par le mot le plus fort, pouvait renverser
tout ce charmant édifice de bonheur. « Il
faut faire la conquête de Boissaux, se
dit-il, et, pour cela, il faut lui être utile ;
la simplicité de mes propos, mes bonnes
manières, déplaisent, j’en suis sûr, à cet
être grossier, et qui, de sa vie, n’a jamais
adoré que l’argent. Ce n’est donc qu’en
présence d’un résultat positif qu’il pourra
pardonner ce que mes façons parisiennes
ont de choquant pour sa brutale énergie.
Hier encore je l’ai vu lorsque ce député
de Lille est venu nous joindre à la promenade ;
dès qu’il ne voit pas un homme
qui crie en l’abordant, ou qui lui frappe
sur l’épaule en signe d’amitié, il se dit :
« Sans doute ce muscadin me méprise. »
En étudiant profondément Boissaux, Féder crut voir que la nomination à la Chambre des pairs, plus ou moins récente, de cinq ou six négociants, troublait son sommeil depuis quelque temps, et avait fait succéder l’ambition à l’avidité vorace