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Page:Stendhal - Romans et Nouvelles, II, 1928, éd. Martineau.djvu/27

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LE COFFRE ET LE REVENANT

que vous m’avez adressée tombe à faux.

Le vieux gentilhomme n’osa manquer au rendez-vous. Il était veuf, et n’avait chez lui que sa fille Inès. Avant de partir pour Grenade il la conduisit chez le curé du village, et fit ses dispositions comme si jamais il ne devait la revoir. Il trouva don Blas Bustos fort paré ; il portait un grand cordon par-dessus son habit. Don Jaime lui trouva l’air poli d’un vieux soldat qui veut faire le bon et sourit à tout propos et hors de propos.

S’il eût osé, don Jaime eût refusé les huit mille réaux que don Blas lui remit ; il ne put se défendre de dîner avec lui. Après le repas, le terrible directeur de police lui fit lire tous ses brevets, son extrait de baptême, et même un acte de notoriété, au moyen duquel il était sorti des galères, et qui prouvait que jamais il n’avait été moine.

Don Jaime craignait toujours quelque mauvaise plaisanterie.

— J’ai donc quarante-trois ans, lui dit enfin don Blas, une place honorable qui me vaut cinquante mille réaux. J’ai un revenu de mille onces sur la banque de Naples. Je vous demande en mariage votre fille doña Inès Arregui.

Don Jaime pâlit. Il y eut un moment de silence. Don Blas reprit :