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ROMANS ET NOUVELLES


déplaire. Dans cette position, je n’aurai plus de force que contre moi-même, et, pour me remettre en possession du courage que doit avoir un homme, je n’ai d’autre ressource que d’arracher de mon cœur la passion qui le domine. »

Fort effrayé par ces réflexions, Féder finit par prendre les résolutions les plus énergiques contre Valentine. « Dans une âme aussi sincère et aussi jeune, se dit-il, le sentiment passionné qu’elle m’a montré ne s’éteindra pas en peu de jours, et surtout je n’ai pas à craindre de le faire disparaître en la faisant souffrir. Par bonheur, dans la scène si étrange de la serre chaude, je n’ai donné, à le bien prendre, aucun signe d’amour passionné. Une femme charmante, dans toute la fleur de la première jeunesse, les joues couvertes de larmes, se jette dans mes bras et me demande si je l’aime ! Quel jeune homme, à ma place, n’eût pas répondu par des baisers ? Et toutefois, un instant après, le bon sens me revient, et je lui fais cette fameuse déclaration : « Je ne me laisse aller à aimer passionnément une femme que lorsqu’elle est toute à moi. » Il ne s’agit que de persévérer. Si mon imprudence se laissait aller à lui serrer la main, si je portais à mes lèvres cette main charmante, tout serait perdu pour moi, et il me fau-