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FÉDER

drait avoir recours aux remèdes les plus affreux : par exemple, à l’absence. »

Féder eut besoin de se rappeler sans cesse ces raisonnements terribles durant cette première visite qu’il fit à Valentine, entourée d’ouvrières et uniquement occupée, en apparence, à mesurer et à couper des toiles de coton pour des rideaux. Il la trouvait adorable au milieu de ces soins domestiques. C’était une bonne Allemande, tout attachée à ses devoirs de maîtresse de maison. Mais dans quelle action ne l’eût-il pas trouvée adorable et lui donnant de nouvelles raisons de l’aimer avec passion ?

« Le silence est signe d’amour, s’était dit Féder ; en conséquence, il prit la parole à son entrée dans la salle à manger, où se trouvait madame Boissaux, et ne la quitta plus ; il bavardait sur des sujets à cent lieues de l’amour et des sentiments tendres. D’abord cet étrange flux de paroles fut du bonheur pour Valentine ; son imagination ardente s’était figuré avec horreur que Féder voudrait reprendre la conversation à peu près où elle en était après la scène de la serre chaude. C’est pour cela qu’elle s’était entourée d’ouvrières. En peu de moments Valentine fut rassurée ; bientôt elle le fut trop ; elle soupira profondément en voyant l’imagination de Féder tout occupée d’images si différentes de celles